Verre et poussière
L’hygiène photographique à l’ère industrielle

Cet article prend l’Élevage de poussière (1920) de Man Ray comme point de départ d’une étude sur l’histoire de la poussière considérée comme un problème photographique. En envisageant la photographie de Man Ray avant tout comme une étude d’un dépôt de poussière sur du verre, l’article examine la manière dont les photographes ont composé avec la poussière sur le plan de la représentation, de la matérialité et de l’environnement. Car si le développement de la photomicrographie a permis d’observer les poussières avec un niveau de détail inédit, la plaque photographique les a rendues perceptibles de diverses manières autrement gênantes. L’accumulation de poussière sur le verre a constitué l’un des défis les plus tenaces pour les photographes, ce qui a conduit au développement de procédures d’hygiène photographique rigoureuses, inscrivant la pratique photographique dans le discours porté par le courant du modernisme hygiéniste émergent. La photographie a contribué à ce discours non seulement en tant que moyen de représentation, mais aussi en tant que pratique hygiénique à part entière, nous incitant à reconsidérer la place de la photographie–et de l’hygiène photographique – dans une écologie plus large de l’extraction, de la production et des déchets industriels.

Man Ray et Marcel Duchamp, Élevage de poussière, New York, 1920, tirage argentique (circa 1967), 23,9 × 30,4 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. © Man Ray et Marcel Duchamp / 2024, ProLitterris, Zurich

Katerina Korola est titulaire d’un double doctorat en histoire de l’art et en études cinématographiques et médiatiques de l’université de Chicago. Elle travaille actuellement à la rédaction de son premier ouvrage, Picturing the Air. Photography and the Industrial Atmosphere, consacré à l’histoire de la pollution de l’air considérée comme un problème photographique. Katerina Korola est actuellement professeur assistante à l’université du Minnesota-Twin Cities et collaboratrice scientifique auprès du Mahindra Humanities Center de l’université de Harvard.

Référence : Katerina Korola, « Verre et poussière. L’hygiène photographique à l’ère industrielle », Transbordeur. Photographie histoire société, no 8, 2024, pp. 52-65.

Transbordeur
Revue annuelle à comité de lecture