Un sourire de classe
Le portrait photographique et la culture de l’expressivité

Souvent interrogé, le phénomène de la diffusion du sourire dans le portrait photographique au cours du XXe siècle résiste à l’explication. Rappelant la dimension conventionnelle du portrait, cet article décrit cette évolution comme la modification historique d’une norme sociale: le passage d’une culture de la réserve à une culture de l’expressivité, entre les années 1930 et les années 1950. Cette transformation s’appuie à la fois sur la réflexivité des représentations médiatiques et sur la valorisation d’un ethos de l’authenticité dans la présentation de soi, promu par la photographie amateur et le cinéma. Étendard de cette évolution, le sourire à pleines dents s’impose comme un signe photographique autonome, la traduction moderniste de la sociabilité des classes moyennes, qui accèdent au statut de nouveau sujet de l’histoire.

Charles Lansiaux, « Marchande chinoise faisant concurrence aux camelots parisiens », Paris, 6 octobre 1914, tirage argentique, 11, 5 x 17, 5 cm. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Maître de conférences à l’EHESS (Paris), André Gunthert est historien des cultures visuelles, spécialiste des médias d’enregistrement. Fondateur de la revue Études photographiques (1996-2017), il a récemment publié L’Image partagée. La photographie numérique (Paris, Textuel, 2015) et codirigé avec Thomas Kirchner et Marie-Madeleine Ozdoba Nouveaux médias. Mythes et expérimentations dans les arts (Paris, Centre allemand d’histoire de l’art/Naima éd., 2021). Il prépare un ouvrage consacré aux évolutions apportées par l’image documentaire au cours du XXe siècle.

Référence : André Gunthert, « Un sourire de classe. Le portrait photographique et la culture de l’expressivité », Transbordeur. Photographie histoire société, no 6, 2022, pp. 136-149.

Transbordeur
Revue annuelle à comité de lecture